L'illustratrice A'amu (Christine Fabre) signe le livre
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Extraits de l'article deTahiti Infos :
"PAPEETE,
le 19 novembre 2015 - Le dernier ouvrage de Daniel Margueron est dévoilé au
Salon du Livre. Cette analyse de la littérature polynésienne francophone
revient sur 250 ans de livres, nouvelles, essais ou poèmes sur la Polynésie.
Plus de 500 pages, c'est ce qu'il aura fallu à Daniel
Margueron pour retracer 250 ans de littérature consacrée à la Polynésie. (...)il
ne s'attache qu'aux publications en français. Pas de livres en anglais ou en
tahitien donc… Mais il en reste tout de même des milliers à présenter, analyser
et classer. Un vrai travail de fourmi réalisé avec patience par cet amoureux de
la littérature polynésienne.(...)
(...) Dans ce dernier ouvrage, il décortique les clichés
qui parsèment les très nombreux livres laissés par les voyageurs après un
passage en Polynésie et expose les courants, oppositions et thèmes dominants de
notre plus modeste production locale. Une lecture indispensable pour tous les
aficionados ou simple curieux de littérature et de la Polynésie.
suivi de l'interview de Daniel Margueron, auteur de "Flots d'encre sur Tahiti (Collection Lettres du Pacifique):
"Tous les livres dont vous parlez dans votre
ouvrage parlent de la Polynésie, mais pas tous de la même manière. Pouvez-vous
nous présenter les courants et leurs grands auteurs ?
Daniel Margueron : Il y a trois grands courants. D'abord les
livres de voyages avec des auteurs comme Pierre Loti, Bougainville bien sûr,
Victor Segalen, Georges Simenon, Romain Gary… En gros c'est la littérature de
ceux qui sont venus en escale mais ne sont pas restés. Ce sont des milliers de
livres.
Un livre à recommander dans cette catégorie ?
Victor Segalen, les
Immémoriaux. C'est un très grand livre mais ce n'est pas le seul bien sûr. Il
se penche sur une civilisation défunte, qui a été malmenée par l'évangélisation.
La deuxième catégorie est la littérature des européens installés
à Tahiti ?
Oui voilà, ceux qui sont là
dans la durée. Ils voient le pays autrement que les voyageurs. Ils ne sont pas
dans le mythe mais dans un ancrage social, familial, qui fait qu'ils voient la
Polynésie plus dans le quotidien de son existence. Mais ils ne sont pas plus
objectifs que les autres : personne n'est objectif, de toute façon on est dans
la fiction. Là pour quelques auteurs on pourrait citer Alex DuPrel, Marc
Cizeron, Chantal Kerdilès, parmi tant d'autres. Ça représente une centaine de
livres.
Donc la troisième catégorie ce sont les Polynésiens ?
Oui, les
"autochtones", qui depuis une quarantaine d'années ont développé une
littérature sur le pays, avec là aussi une centaine de livres publiés. Poésie,
littérature, romans, essais, pièces de théâtre, tout y passe. C'est une
littérature que l'on lit aujourd'hui essentiellement comme une littérature
identitaire. Parce qu'elle est à la recherche d'une identité perdue,
endeuillée, fantasmée, souhaitée, rêvée, etc. Là, les grands écrivains, c'est
bien sûr Chantal Spitz, c'est Jean-Marc Pambrun, c'est Henri Hiro, c'est Moetai
Brotherson, ce sont tous ces gens-là… Enfin il y en a plein d'autres. Un bon
livre à recommander pour découvrir le genre, ce serait "Le bambou noir"
de Jean-Marc Pambrun.
Quelle est la grande différence entre les écrivains nés à Tahiti
et les autres ?
La principale différence est
que pour les uns le français et la culture française est leur référence. Les
écrivains polynésiens, eux, sont quand même enracinés dans l'univers polynésien
et ils ont une vision du monde qui est polynésienne. Qu'ils soient Polynésiens
de souche, demis et autres. Et les écrivains polynésiens ont souvent une langue
cachée, la langue polynésienne, alors que pour les autres leur langue est
uniquement le français. Donc on se rend bien compte qu'il y a une recherche
stylistique chez des écrivains comme Chantal Spitz ou Flora Devatine, qui
essayent d'écrire une langue qui soit à l'image de la rhétorique polynésienne.
Pourquoi les auteurs d'origine polynésienne n'émergent que
depuis 40 ans ?
Alors là c'est une grande
question que je pose dans le livre : 'pourquoi l'écrit ne s'est pas révélé plus
tôt ?' Il y a tout un tas de raisons, que vous retrouverez dans le livre.
D'abord une très faible population pendant très longtemps. Une aculturation
(sic) peut-être pas suffisante pour écrire en français : en dehors de Papeete
les langues polynésiennes restaient très vivantes. Il y a le fait que
l'écriture n'est pas dans la culture polynésienne. Et puis il y a le fait que
parler de soi, dévoiler son intimité, n'est pas toujours facile.
Donc ces nouveaux écrivains sont le fruit du métissage culturel
entre Polynésiens et Européens, et ce serait pour ça qu'ils parlent autant
d'identité ?
Oui, tout à fait. Et puis il y
a une appropriation du pouvoir de l'écriture, et une reformulation.
C’est-à-dire que ce que vont dire les Polynésiens de la société, de l'histoire
ou autre, est une reformulation par rapport à leur vision des choses, et pas
forcément la même que la vision des Européens.
Comment les différentes littératures s'opposent-elles ?
Je pense par exemple que le
point de vue des écrivains polynésiens sur leur société est à l'envers du
mythe, totalement, mais c'est aussi volontaire. Par exemple les écrivains des
Samoa écrivent aussi contre le mythe des occidentaux. Les écrivains ont en
général chacun un angle de vision de la société, mais chacun un différent. En
ce moment les différentes catégories d'écrivains en Polynésie se regardent un peu
en chien de faïence, parce que la littérature polynésienne se construit un peu
contre la littérature occidentale parce qu'elle a besoin d'opérer un meurtre
symbolique contre les grands auteurs occidentaux, Stevenson, Melville et les
autres. Pour se construire il faut s'opposer et se créer un espace littéraire
qui n'est pas celui que les autres occupaient avant.
Comment la littérature polynésienne va-t-elle évoluer ?
Elle va évoluer avec les
mentalités des gens et l'évolution de la société. Si l'avenir demeure dans le
statut quo actuel, d'un pays francophone et français, elle évoluera dans ce
domaine-là. Si le pays devient indépendant, la littérature va forcément se
trouver d'autres racines, parce que la littérature est toujours en lien avec la
société dans laquelle elle évolue." (Tahiti infos, 19 novembre 2015)
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