mercredi 9 décembre 2015

LES AUTEURS DE LETTRES DU PACIFIQUE AU SALON DU LIVRE DE TAHITI


Daniel Margueron et Christine Perez avec des lecteurs
Christine PEREZ maître de conférence (UPF)
et auteur publiée dans la collection
Daniel Margueron présente son anthologie littéraire


Plusieurs auteurs de la collection "Lettres du Pacifique" d'Hélène Colombani s'étaient donné rendez vous au salon du livre de Papeete en novembre 2015, dont Daniel Margueron et l'illustratrice A'amu, pour le lancement très réussi de leur anthologie illustrée en couleur de la littérature francophone "Flots d'encre sur Tahiti", mais aussi Christine Perez, historienne de l'Université de Polynésie Française, et auteur de 2 ouvrages majeurs sur la culture et les traditions maories ("Echappée Pacifique").

D'autres auteurs et écrivains de Polynésie ou ayant écrit sur Tahiti ont été édités dans cette collection, certains étaient également présents au salon, citons pour mémoire:

-les universitaires: Camille COLDREY auteur d'un brillant essai sur la Langue tahitienne chez Segalen, Alexandre MOANA JUSTER, auteur de "La transgression verbale en Océanie", Sylvie FERMENT-MEAR, "Pour la Défense de la langue tahitienne, Gérard BARTHOUX, "L'Enfant tahitien et l'école", Louis CRUCHET (qui traite de l'Archéoastronomie polynésienne"),

-les historiens: l'Amiral Emmanuel DESCLEVES, auteur du "Peuple de l'Océan, ou l'art de la navigation en Océanie" (prix Eric Tabarly),  Annick POUIRA-LOMBARDINI, auteur d"Une politique pour Dieu", Charles MERGER, "Voyageuses à la découverte du Pacifique,

-les romanciers Dominique CADILHAC, auteur d'un beau roman marquisien: "Les Montagnes du Pacifique", Y.A. DELUBAC, auteur de la trilogie musicienne de "Tahiti Love Song", Pierre GRANAUD, auteur du réaliste"Offrandes polynésiennes", ou Depal STERMANS, et son mystérieux"Poisson aux longues jambes",

-sans oublier les mémoires et témoignages de Serge LECORDIER "Hanakée baie des traîtres, qui témoigne sur les essais de Mururoa, ou du fabuleux narrateur Gilbert THONG et son best seller "Show Pacifique"...

Un vaste choix de livres de qualité qui couvrent les domaines qui vont de la littérature aux sciences humaines, dont le dernier fleuron en date, l'anthologie de Daniel Margueron, a rencontré un succès remarquable (tous les exemplairesdisponibles furent vendus en 48 heures), le lancement se poursuit par les signatures et conférences organisées dans toutes les librairies de Papeete en décembre et janvier.  La presse de Tahiti a rendu compte largement de cette réussite, sur les ondes autant que par les articles qui ont salué ce dernier titre.


Daniel Margueron présente son livre à Radio Tahiti


L'illustratrice A'amu (Christine Fabre) signe le livre


copyright ©

Extraits de l'article deTahiti Infos :

"PAPEETE, le 19 novembre 2015 - Le dernier ouvrage de Daniel Margueron est dévoilé au Salon du Livre. Cette analyse de la littérature polynésienne francophone revient sur 250 ans de livres, nouvelles, essais ou poèmes sur la Polynésie.

Plus de 500 pages, c'est ce qu'il aura fallu à Daniel Margueron pour retracer 250 ans de littérature consacrée à la Polynésie. (...)il ne s'attache qu'aux publications en français. Pas de livres en anglais ou en tahitien donc… Mais il en reste tout de même des milliers à présenter, analyser et classer. Un vrai travail de fourmi réalisé avec patience par cet amoureux de la littérature polynésienne.(...)

(...) Dans ce dernier ouvrage, il décortique les clichés qui parsèment les très nombreux livres laissés par les voyageurs après un passage en Polynésie et expose les courants, oppositions et thèmes dominants de notre plus modeste production locale. Une lecture indispensable pour tous les aficionados ou simple curieux de littérature et de la Polynésie.

suivi de l'interview de Daniel Margueron, auteur de "Flots d'encre sur Tahiti (Collection Lettres du Pacifique):
"Tous les livres dont vous parlez dans votre ouvrage parlent de la Polynésie, mais pas tous de la même manière. Pouvez-vous nous présenter les courants et leurs grands auteurs ?

Daniel Margueron : Il y a trois grands courants. D'abord les livres de voyages avec des auteurs comme Pierre Loti, Bougainville bien sûr, Victor Segalen, Georges Simenon, Romain Gary… En gros c'est la littérature de ceux qui sont venus en escale mais ne sont pas restés. Ce sont des milliers de livres.

Un livre à recommander dans cette catégorie ?

Victor Segalen, les Immémoriaux. C'est un très grand livre mais ce n'est pas le seul bien sûr. Il se penche sur une civilisation défunte, qui a été malmenée par l'évangélisation.

La deuxième catégorie est la littérature des européens installés à Tahiti ?

Oui voilà, ceux qui sont là dans la durée. Ils voient le pays autrement que les voyageurs. Ils ne sont pas dans le mythe mais dans un ancrage social, familial, qui fait qu'ils voient la Polynésie plus dans le quotidien de son existence. Mais ils ne sont pas plus objectifs que les autres : personne n'est objectif, de toute façon on est dans la fiction. Là pour quelques auteurs on pourrait citer Alex DuPrel, Marc Cizeron, Chantal Kerdilès, parmi tant d'autres. Ça représente une centaine de livres.

Donc la troisième catégorie ce sont les Polynésiens ?

Oui, les "autochtones", qui depuis une quarantaine d'années ont développé une littérature sur le pays, avec là aussi une centaine de livres publiés. Poésie, littérature, romans, essais, pièces de théâtre, tout y passe. C'est une littérature que l'on lit aujourd'hui essentiellement comme une littérature identitaire. Parce qu'elle est à la recherche d'une identité perdue, endeuillée, fantasmée, souhaitée, rêvée, etc. Là, les grands écrivains, c'est bien sûr Chantal Spitz, c'est Jean-Marc Pambrun, c'est Henri Hiro, c'est Moetai Brotherson, ce sont tous ces gens-là… Enfin il y en a plein d'autres. Un bon livre à recommander pour découvrir le genre, ce serait "Le bambou noir" de Jean-Marc Pambrun.

Quelle est la grande différence entre les écrivains nés à Tahiti et les autres ?

La principale différence est que pour les uns le français et la culture française est leur référence. Les écrivains polynésiens, eux, sont quand même enracinés dans l'univers polynésien et ils ont une vision du monde qui est polynésienne. Qu'ils soient Polynésiens de souche, demis et autres. Et les écrivains polynésiens ont souvent une langue cachée, la langue polynésienne, alors que pour les autres leur langue est uniquement le français. Donc on se rend bien compte qu'il y a une recherche stylistique chez des écrivains comme Chantal Spitz ou Flora Devatine, qui essayent d'écrire une langue qui soit à l'image de la rhétorique polynésienne.

Pourquoi les auteurs d'origine polynésienne n'émergent que depuis 40 ans ?

Alors là c'est une grande question que je pose dans le livre : 'pourquoi l'écrit ne s'est pas révélé plus tôt ?' Il y a tout un tas de raisons, que vous retrouverez dans le livre. D'abord une très faible population pendant très longtemps. Une aculturation (sic) peut-être pas suffisante pour écrire en français : en dehors de Papeete les langues polynésiennes restaient très vivantes. Il y a le fait que l'écriture n'est pas dans la culture polynésienne. Et puis il y a le fait que parler de soi, dévoiler son intimité, n'est pas toujours facile.

Donc ces nouveaux écrivains sont le fruit du métissage culturel entre Polynésiens et Européens, et ce serait pour ça qu'ils parlent autant d'identité ?

Oui, tout à fait. Et puis il y a une appropriation du pouvoir de l'écriture, et une reformulation. C’est-à-dire que ce que vont dire les Polynésiens de la société, de l'histoire ou autre, est une reformulation par rapport à leur vision des choses, et pas forcément la même que la vision des Européens.

Comment les différentes littératures s'opposent-elles ?

Je pense par exemple que le point de vue des écrivains polynésiens sur leur société est à l'envers du mythe, totalement, mais c'est aussi volontaire. Par exemple les écrivains des Samoa écrivent aussi contre le mythe des occidentaux. Les écrivains ont en général chacun un angle de vision de la société, mais chacun un différent. En ce moment les différentes catégories d'écrivains en Polynésie se regardent un peu en chien de faïence, parce que la littérature polynésienne se construit un peu contre la littérature occidentale parce qu'elle a besoin d'opérer un meurtre symbolique contre les grands auteurs occidentaux, Stevenson, Melville et les autres. Pour se construire il faut s'opposer et se créer un espace littéraire qui n'est pas celui que les autres occupaient avant.

Comment la littérature polynésienne va-t-elle évoluer ?

Elle va évoluer avec les mentalités des gens et l'évolution de la société. Si l'avenir demeure dans le statut quo actuel, d'un pays francophone et français, elle évoluera dans ce domaine-là. Si le pays devient indépendant, la littérature va forcément se trouver d'autres racines, parce que la littérature est toujours en lien avec la société dans laquelle elle évolue." (Tahiti infos, 19 novembre 2015)