Les éditions Fayard ont annoncé ce jour la mort de Claude Durand, qui les a dirigées pendant près de trente ans.
Né en 1938, Claude Durand remporta le prix Médicis en 1979 pour La Nuit zoologique. Il était traducteur d’anglais et d’espagnol, mais aussi éditeur ; il publia des auteurs d’Amérique latine et des pays de l’Est. C’est lui qui traduisit et édita en 1967 Gabriel Garcia Marquez, avec Cent ans de solitude. En 1973 il fit paraître L’Archipel du Goulag, d’Alexandre Soljenitsyne, dont Claude Durand supervisa la traduction française en 1974. Il devint l’agent et l'ami de l’écrivain russe exilé en Amérique.
Après un bref passage chez Grasset, il rejoignit en 1980 les éditions Fayard où il allait régner pendant près de trente ans, alternant scoops médiatiques (enquêtes de Pierre Péan sur le passé de François Mitterrand, sur le journal Le Monde et œuvres littéraires d'écrivains majeurs (Kadaré, Debord…), mais aussi livres de stars et de personnalités politiques de tout bord. En 2005, il édita Michel Houellebecq.
En 2010, il publia, sous le pseudonyme de François Thuret, J’aurais voulu être éditeur (Albin Michel), puis, en 2011, sous son nom, J’étais numéro un (Albin Michel).
Son nouveau roman "Usage de faux" traite avec humour d'une histoire d'imposture dans le milieu de…l'édition. "Ce n'est pas un roman à clef, ce que j'ai voulu dénoncer c'est l'usurpation dans le monde de l'édition, le formatage, les masques que beaucoup portent, le mensonge, c'est tout un esprit d'imposture."
Extrait de l'article de Marianne: un vibrant hommage à Claude Durand
"Ceux qui bousculaient les idées reçues et ne craignaient pas de porter le fer dans les plaies de la société savaient qu’ils pouvaient frapper à la porte de Fayard. Tant d’autres considèrent que les principales qualités de l’éditeur sont olfactives. Ils hument l’air du temps, et cherchent à flairer les prix d’automne ou les bons coups médiatiques. Claude Durand se servait d’un autre sens, celui de la lecture. Ses choix ne devaient rien aux modes et aux engouements passagers. Deux noms, parmi tant d’autres, attestent de son sens éditorial : Gabriel Garcia Marquez, Alexandre Soljenitsyne, excusez du peu... L’Archipel du Goulag n’était pas un ouvrage retentissant, apportant des révélations inédites, mais le livre fondateur du nouvel impératif catégorique. On ne pouvait plus penser le monde de la même manière après avoir lu Soljenitsyne. Et Claude Durand était l’éditeur qui apportait en France ce bouleversement. Un exploit rare dans l’histoire de l’édition. Le rêve de tous les grands du métier. Il poursuivit sa carrière, sachant qu’un tel événement ne se produit pas deux fois dans une vie, mais s’attachant toujours aux écritures de ruptures, pour le style comme pour les idées. Encore faut-il préciser qu’il méprisait souverainement les chapelles de pensée et les coteries parisiennes pressées de couvrir les ruptures d’un nouveau conformisme. Jusqu’au bout, il dérangea les maîtres à penser de l’économie, comme ceux du Monde, qu’il défia, en permettant à Philippe Cohen et Pierre Péan de dévoiler leur « face cachée ». Si de véritables livres demeurent, au milieu du flot de mièvrerie et de conformisme qui submerge les rayons libraires, nous le devons à de rares éditeurs, comme Claude Durand. Sa disparition ne saurait appeler les lieux communs prononcés en pareilles circonstances. Et pourtant, il laisse, vraiment, un vide."